Thérèse de Saint Phalle: The double life of Bernard Jardel (Interview)
Peut-on être un artiste exposant à Tokyo, Nagoya, Houston, Beyrouth, Madrid, peindre plus de soixante toiles par an, tout en exerçant les responsabilités d'une entreprise ?
C'est un défi que relève Bernard Jardel, 40 ans, dont l'exposition s'ouvre le 15 mars à Bruxelles. Ses peintures, sévèrement construites, font converger les vagues de trapèzes vers un objectif.
Si ses tableaux sont achetés aussi bien par un collectionneur oriental que par un collectionneur européen, c'est parce qu'ils évoquent le sentiment d'une « Odyssée de l'Espace », une envolée vers l'infini par une série de perspectives. Un cercle vibre, des lames verticales le traversent. , dont les teintes indiquent la diffraction de la lumière. Un style unique et qui ne ressemble à aucun autre. Sans signature sur ses tableaux, on reconnaît encore le style de Jardel. Marié à une ravissante. jeune femme d'origine russe, deux enfants, Jardel a transformé une des pièces de son appartement en atelier. Dans la pièce attenante au salon, avec une lampe sur sa table de travail, un carré, des crayons à dessin, lui permettent de concevoir. ses compositions Bernard Jardel, brun, vif, fait ressortir les richesses de ses deux existences.
- Si je ne me cantonnais pas à cette discipline, je me lèverais peut-être à quatre heures de l'après-midi pour me rendormir à cinq heures !
Son emploi du temps ?
- Je me lève à cinq heures du matin, je peins jusqu'à sept heures trente. Je prends mon petit-déjeuner, une douche, je me rase et me déguise en homme d'affaires.
Il fait partie de la direction commerciale d'une entreprise de construction.
- Mon métier consiste à concevoir les façades des bâtiments. Ma vie professionnelle me permet de rencontrer des architectes. Dans le bâtiment, l'entrepreneur, le plombier ou le maçon, tous sont en quelque sorte des artistes.
S'il n'a pas besoin d'aller à un déjeuner d'affaires, Jardel rentre chez lui, où il peint en mangeant un sandwich.
- Vers trois heures, je suis de nouveau au bureau. Le soir, je rentre chez moi et continue avec le tableau en main. Parfois, je me change encore une fois pour dîner avec les clients. Je passe ma vie à changer.
Il travaille dix-neuf heures par jour, tous les jours de la semaine, et récupère son sommeil dans un taxi, par exemple. Il s'endort aussitôt, comme par volonté.
- On peut en effet exercer deux métiers aussi consciencieusement l'un que l'autre.
Sa mère aspirait à être cantatrice ; il a un frère qui est architecte. Un autre publiera un livre en mars.
- D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé dessiner. Je dessinais sans arrêt, en tâtonnant, en cherchant. On commence par copier des vases, des fleurs, on apprend à tenir un crayon, à réaliser des moulages en plâtre, on s'initie aux délices de la peinture à l'huile ou à l'aquarelle.
Bernard Jardel s'est toujours exprimé avec un papier et un crayon, se dit « un apostat de l'architecture », qu'il a étudiée aux Beaux Arts. Marié, père de deux enfants, il mène depuis quinze ans une vie sérieuse d'homme d'affaires, tout en poursuivant sa quête de découverte des perspectives de la peinture. Il faisait don de ses tableaux à ses amis.
- Un jour, un de mes amis m'a dit : « C'est le dernier tableau que tu offres. Maintenant, vous allez les vendre. Vous verrez que cela vous donnera une grande satisfaction ».
Aujourd'hui, un tableau de Jardel, petit format (10 Figure) coûte 2.000 Frs. Si le tableau mesure un mètre cinquante sur un mètre cinquante, sa valeur est de 12.000 Frs.
- Mon métier me dispense de gagner ma vie. Je ne cours pas le risque d'avoir la tête artificiellement enflée ou de faire une dépression. Il est préférable de laisser les choses suivre leur cours naturel, sans s'affirmer, ni demander des prix exorbitants.
Comment conçoit-il ses peintures ?
- Je dessine d'abord le dessin sur une feuille de papier. Chaque particule, chaque fragment reçoit une notation comparable à celle d'une partition musicale. Par exemple, tout calculé, je peux disposer de dix-huit teintes de brun, je sais où sera la lumière, l'endroit le plus contrasté, la couleur la plus violente, la plus rayonnante, les parties qui seront obscurcies. Leur valeur est notée dès le départ.
Il prévoit les dissonances. Une composition réalisée pour un tableau de petit format est impossible à transposer sur une grande toile. L'espace requis nécessite des plans différents.
- Je me suis transformé depuis trois ou quatre ans, depuis que j'ai conçu un certain dessin géométrique. Je n'étais ni intéressé à montrer ni à créer des créations figuratives. Le mode d'expression auquel j'ai accédé me convient bien. J'actualise sans arrêt.
Un tableau de 50 cm x 50 cm, représente pour Bernard Jardel, entre sa conception et sa réalisation, cent cinquante heures de travail.
- Je le crayonne d'abord, je numérote les fragments, le transcris sur la toile, et travaille en remplissant chaque rectangle, chaque carré avec la couleur nécessaire.
Ses grandes toiles sont composées de tons ternes : bleu, beige, marron, avec un bruissement de variation de lumière et de couleur. Jardel a un regard lointain dans les yeux.
— Il est difficile de redistribuer les nuances de lumière. Pourquoi une arène exactement divisée par l’ombre a-t-elle deux faces, l’une étincelante et l’autre tamisée ? Le rayon du soleil où l'on voit danser les particules de poussière coupe les zones obscures qui noient le grenier. Il faut chercher l'équilibre, savoir ce qui se cache sous l'obscurité.
A-t-il déjà étudié les mathématiques ?
- Le minimum. Je tends instinctivement vers cet équilibre qui correspond, (si on étudie l'arithmétique au Nombre d'Or), on le rencontre, souvent dans l'architecture, qui se lance dans la quête graphique qui cherche le Nombre d'Or de manière inconsciente.
Une sphère blanche parfaite est plus proche qu’une sphère noire. Deux sphères placées à une distance de deux mètres, la plus brillante des deux apparaîtra à une distance d'un mètre tandis que la plus sombre semblera être placée à une distance de trois mètres.
Volume sur plan, une sphère noire s'approchera vers l'avant, plan sur plan, elle reculera en profondeur et ressemblera à un trou.
N'avez-vous pas du mal à passer de l'univers de la peinture à celui de la construction ?
Jardel se pencha en arrière, les coudes sur les genoux.
- C'est pénible à créer. C'est un travail tellement solitaire, tellement angoissant que je suis heureux de me retrouver dans cette communauté vivante qu'est le monde du travail. Il y a parfois des rencontres rudes, mais c'est bien, pour l'homme solitaire qui est artiste, d'avoir la possibilité d'agir. Ici, on se sent comme un homme normal, alors que parfois j'ai peur de risquer l'espace insondable de mes propres peintures.
By Thérèse de St Phalle
Note de l’éditeur :
Thérèse de St Phalle était une artiste et écrivaine française talentueuse, principalement active au milieu du XXe siècle. Connue pour ses portraits raffinés et son lien avec l'avant-garde parisienne, elle a capturé ses sujets avec profondeur et perspicacité. On se souvient également de Thérèse comme de la mère de la célèbre artiste Niki de Saint Phalle, dont le travail révolutionnaire en matière de sculpture et d'art féministe a été en partie façonné par l'environnement artistique favorisé par Thérèse. Même si elle est peut-être moins connue aujourd’hui, l’impact de Thérèse résonne à travers son propre travail et à travers l’héritage de sa fille, l’une des artistes les plus emblématiques du XXe siècle.
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